Enfants extraordinaires

Il a dessiné !

Anna Latron 1 février 2021
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C’est peut-être un détail pour vous…mais pour moi, ça veut dire beaucoup !

Depuis des semaines, des mois, des années, mon deuxième fils ne dessinait pas. Aucun coloriage non plus. De temps à autre, quand il sentait qu’il était vraiment “obligé”, il consentait à faire un gribouillis, mais sans aucune conviction ni motivation.

Autant vous dire qu’à l’école, pour lui, c’était compliqué.

Car une grande quantité des apprentissages passe encore par le graphisme; quantité qui augmente au gré des niveaux. Et malgré les adaptations proposées au quotidien par la maîtresse, mon cœur se serrait quand je feuilletais ses cahiers de maternelle pour y découvrir des pages vierges, ou y lire la mention :

“N’a pas voulu dessiner, réalisé par la maîtresse”.

Autant vous dire que l’école à la maison pendant le premier confinement fut… rock’n roll (pour rester polie). Impossible de compter sur une quelconque autonomie, un moment de coloriage, un exercice de tracé de vagues, de traits, de lettres ou de chiffres. Il a fallu tout adapter pour ne pas trop passer par le graphisme. Avec mon mari, nous avons même établi un système de récompense pour le motiver à tracer des chiffres et quelques lettres bâton.

Tout cela me rappelait des souvenirs.

Des souvenirs plutôt douloureux, qui me ramenaient en arrière, à la petite enfance de mon aîné qui, lui aussi, a mis très longtemps à passer par la trace graphique. Et malgré le fait qu’aujourd’hui il passe son temps à dessiner, ce “manque”, cette “différence” me brisait le cœur en mille morceaux. Je me sentais envahie par la lassitude, aussi. Et la révolte pointait le bout de son nez.

Pourquoi ?

Pourquoi mes enfants mettent-ils autant de temps à dessiner, à écrire, et pourquoi n’aiment-ils pas colorier ? Derrière cette question, une autre :

“Pourquoi ne font-ils rien comme les autres ?”

Et tout au fond de ce questionnement, caché dans l’ombre de ma peine :

“Pourquoi ne sont-ils pas normaux ?”

Enferrée dans ces questions, je ruminais. Je perdais mon calme dès que je tentais, par moult subterfuges, de faire en sorte que mon cadet se prête au jeu du graphisme. Qu’il consente à dessiner, à tracer.

Et cette rumination m’a consumée de l’intérieur, jusqu’au jour où j’ai dit stop. Il ne veut pas écrire ? Il n’a aucun intérêt pour le dessin ? Soit. Je lâche l’affaire. Tant pis. Le temps finira par faire son œuvre, et les prises en charge mises en place aussi. Je me concentre sur autre chose. Je passe mon temps en cuisine avec lui puisqu’il adore participer à la confection des plats et des gâteaux au quotidien. Je passe mon temps à lui lire des histoires puisque c’est un des petits moments de complicité que nous avons (et de calme, aussi).

Et tu sais quoi ?

Comme par enchantement, il y a quelques semaines, j’ai vu apparaître, au fil des pages de son cahier d’école, des gribouillages, et même des lettres. J’ai souri en découvrant des tampons “champion” estampillés en haut des pages, et les encouragements écrits de la maîtresse : “Bravo !”, “Super, tu as travaillé tout seul !”.

Comme par magie, il y a quelques jours, je l’ai vu s’asseoir à la table de la salle à manger et réclamer de faire des devoirs, comme son grand frère.

Il est allé sortir des feutres du tiroir, a saisi une feuille de papier et m’a demandé de tracer des lettres modèle. Et comme un grand, il a recopié.

Et comme un enfant de cinq ans, il s’est mis ensuite à dessiner.

Des dessins qu’il offre à une amie de sa classe. Alors, oui, il faut, pour chaque dessin — dessin qui n’est constitué le plus souvent que de quelques traits encore maladroits — , une enveloppe différente, (ce qui fait que mon stock s’épuise à vitesse grand V), mais ça, c’est un détail.

Il dessine, il aime ça, et il se sent fier de lui. Je le vois dans son sourire et dans le calme qu’il parvient à garder le temps de réaliser son petit cadeau.

Alors, c’est peut-être un détail pour de nombreuses mamans habituées à ce que leur enfant reste concentré et attentif, mais pour moi, ces premiers dessins veulent dire beaucoup.

Et je sais que toi, chère Fabuleuse, tu sais ce que peut ressentir mon petit cœur de maman !



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Cet article a été écrit par :
Anna Latron

Journaliste de formation, Anna Latron collabore à plusieurs magazines, sites et radios avant de devenir rédactrice en chef du site Fabuleuses au foyer et collaboratrice d’Hélène Bonhomme au sein du programme de formation continue Le Village. Mariée à son Fabuleux depuis 10 ans, elle est la maman de deux garçons dont Alexis, atteint d’un trouble du spectre de l’autisme.

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