Parents vieillissants

Hélène Rossinot, enfin un médecin au service des aidants !

Claire Guigou 7 février 2022
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Si la visibilité des aidants a autant évolué dans l’espace public ces deux dernières années, c’est en partie grâce à elle ! À 31 ans, cette professionnelle de la santé publique est l’auteure remarquée d’un essai sur la place des aidants en France.     

Bonjour Hélène, qui êtes-vous ?

Je suis médecin spécialiste en santé publique et médecine sociale et auteure du livre Aidants, ces invisibles paru en 2019 aux éditions de l’Observatoire. Je travaille depuis des années sur le sujet des proches aidants.

Pourquoi avoir choisi de s’intéresser aux aidants ?

Tout a commencé quand j’étais interne en médecine. Je suis allée en stage en hospitalisation à domicile afin de réaliser mon master et ma thèse. Lors des premiers jours, je me suis vite aperçue de la présence de ces proches, qui étaient toujours là auprès des malades, peu importe la pathologie leur proche. Après ces quelques semaines, où j’ai eu le temps d’échanger avec eux, j’ai demandé à réorienter mon mémoire et ma thèse vers ce sujet car je me suis rendue compte que cette réalité était encore très peu connue du monde médical et qu’il était urgent de s’y intéresser. 

Au fur et à mesure des rencontres, j’ai réalisé qu’il était impératif que toute la société se rende compte de l’existence des aidants ! J’ai donc décidé de me servir des bases de ma thèse pour un travail d’enquête. Et c’est ainsi que mon livre Aidants, ces invisibles a vu le jour.

Quel constat dressez-vous dans cet ouvrage ?

D’abord, on remarque qu’il n’y a pas de portrait robot de l’aidant. Toutefois, tous ont des « tâches » en commun : soutien moral, intendance administrative, coordination des soins, gestion du domicile, parfois soins d’hygiène, soins infirmiers. Ils sont méconnus du système de soins et pourtant ils sont leur colonne vertébrale invisible ! Sans les aidants, quel accès aux soins ?

Je constate également que les femmes représentent une majorité des aidants. Malheureusement, cela a souvent un impact sur leur carrière professionnelle, que ce soit via des promotions manquées, une diminution de la quantité de travail, un arrêt du travail pour s’occuper de leur proche ou encore les difficultés de réinsertion ensuite… Et c’est particulièrement vrai pour les femmes qui appartiennent à la « génération sandwich », celles qui ont à la fois des enfants et un proche dont elles prennent soin. Elles sont prises entre les deux.

La visibilité des aidants et les dispositifs pour les aider n’ont-ils pas évolué ?

Si, heureusement, mais on part de loin ! Les aidants ne sont toujours qu’à peine mentionnés dans les études des professionnels de santé, et la société a encore énormément de mal à s’emparer du sujet. 

Des avancées législatives ont eu lieu, comme le congé proche aidant, mais elles sont encore bien trop limitées ! Ce dernier ne peut concerner qu’un an de la carrière du salarié au maximum. C’est un début, mais c’est une durée assez irréaliste par rapport aux véritables besoins.

Quelles sont vos préconisations pour que la charge des aidants soit allégée ?

Nous avons tous notre rôle à jouer !

Ne pas stigmatiser ou juger nos collègues de travail quand ils s’absentent pour accompagner un proche à un rendez-vous médical est un bon début par exemple… Tout commence par un véritable changement de regard de la société !

Ensuite, il est primordial que les aidants soient associés à la prise en charge du patient, pas seulement informés. Le retour à domicile s’anticipe, il ne doit pas se subir. Mais cela ne peut se faire qu’avec une véritable coopération.

Enfin, il est urgent que nous aidions les aidants à prendre du répit, des pauses régulièrement ! Ils ne pourront le faire que si assez de solutions existent pour eux. Enfin, il y a un travail à faire sur soi pour accepter de lâcher prise.

Quels conseils donneriez-vous à ces nombreuses femmes qui cumulent les casquettes de maman et d’aidante ?

Parlez-en autour de vous ! Ne gardez dans vos proches que les personnes positives qui cherchent à vous aider, pas celles qui ne comprennent pas ce que vous vivez et qui vous font vous sentir jugée. Vous faites de votre mieux.

Parlez aussi de votre rôle d’aidante à votre médecin traitant ! S’il ne connaît pas bien le sujet, creusez-le ensemble. Informez-le. Je sais que c’est encore une chose de plus à faire, mais ça vaut le coup. Vous avez besoin d’un professionnel à qui parler, qui puisse repérer les signes d’épuisement, d’anxiété, avant que cela s’aggrave. 

Acceptez d’avoir besoin de temps pour vous. C’est normal. C’est humain. Et physiquement, c’est obligatoire pour tenir le coup sur le long terme ! Ce n’est pas une faiblesse.



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Cet article a été écrit par :
Claire Guigou

Journaliste, collaboratrice pour les Fabuleuses aidantes

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