Enfants extraordinaires

C’est officiel

Une Fabuleuse aidante 11 juillet 2022
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Ma petite fille, aujourd’hui je ne sais pas encore quels mots coucher sur le papier mais je ressens un titanesque besoin d’écrire qui m’assaille. J’en connais la raison. Veux-tu également la saisir ? Si c’est le cas, je te dirai simplement que….

Il y a à peine 48 petites heures, mes oreilles ont entendu que tu étais autiste.

Et, sous le coup de l’annonce, le besoin d’écrire est arrivé en trombe alors que mes mots, eux, ont connu une évaporation sans précédent.

On m’annonce que tu es autiste. C’est officiel. Je l’entends. Je le lis noir sur blanc. C’est la vérité qui éclate. C’est le couperet qui tombe. C’est le premier jour du reste de nos vies.

Tu vas me dire que cela fait bientôt six ans que je m’en doutais.

Tu vas me dire que je m’y étais, par conséquent, préparée. Qu’il s’agit donc d’un soulagement puisque la raison de tes forces, défis, réussites, obstacles et faiblesses en est ainsi mieux expliquée. Que l’on pourra peut-être obtenir un peu d’aide après ces longues années où je me suis battue corps et âme pour toi. Et pourtant… Pourtant, mon cœur a sursauté à l’annonce du diagnostic. Pourtant, les idées dans ma petite tête de maman ont tournoyé dans un cafouillage titanesque. 

C’est étrange de se rendre compte que l’annonce du diagnostic semble être un chamboulement pour quiconque l’entend. Que la surprise du tremblement de terre sera peut-être quelque peu amoindrie pour qui l’avait vu venir. Mais que la sensation que la terre glisse sous ses pieds n’en sera pas absente pour autant.

Je ressentais ce diagnostic s’approcher sur la pointe des pieds.

Je le voyais faire deux pas en avant, avant d’esquiver par un petit pas de côté. Je l’écoutais sussurer son prénom qu’apparemment si peu de personnes entendaient. Je le perdais de vue pendant quelques semaines avant de me voir être confrontée à nouveau à lui, au détour d’une rue bleuâtre. Je remettais en question son hypothétique existence, quand soudain…

Quand soudain, il a ouvert subrepticement la porte et il s’est déclaré officiellement : 

« Bonjour, je m’appelle TSA et j’habite au plus profond de votre fille. On va devoir se côtoyer très longtemps. On va devoir cohabiter et apprendre à se connaître. Je vais lui/vous en faire voir de toutes les couleurs :

  • Du bleu pour l’émerveiller.

  • Du jaune pour la forcer à porter ses lunettes à soleil.

  • Du rose pour la rendre délicatement minutieuse et précise.

  • Du rouge pour faire le remue-ménage dans ses émotions.

  • Du doré pour la faire sautiller de joie.

  • De l’orange pour rendre ses comportements étranges aux yeux d’autrui.

  • Du violet pour entraver ses relations sociales.

  • Du gris pour la faire traverser des orages sensoriels.

  • Du mauve pour rigidifier un tas de petites choses.

  • Du vert pour lui donner beaucoup d’espoir.

  • Du magenta pour admirer sa mémoire si performante.

  • De l’argenté pour la voir contempler mes reflets hypnotisants.

  • Du blanc pour décupler son sens de la justice.

De toutes les couleurs, je vous le dis. »

Il y a 48 heures, 49 heures peut-être maintenant, j’ai tendu les bras à cet autisme.

J’ai voulu faire alliance avec lui au lieu de nier son existence.

Je l’ai reconnu et j’ai envisagé de faire un bout de chemin avec lui. Je l’ai résolument accepté… tout en lui rappelant bien fermement qu’il ne pourra pas tout décider à propos de ta route.

Tu vois, ma belle, l’autisme n’est ni ton chemin, ni ton guide mais ton bagage.

Et ça, ça fait toute la différence. Ton bagage t’imposera peut-être des arrêts sur ton parcours. Il est probable qu’il te fasse faire quelques détours. Ou qu’il te suggère de ralentir le rythme de tes pas. Peut-être même qu’il te fera parfois augmenter la cadence de tes enjambées. Mais jamais, non jamais, il ne pourra définir à lui seul ta route. Jamais il ne sera ta route. Jamais il n’aura la permission de cantonner ton identité et ta destinée à sa seule existence.

Tu es autiste, certes. C’est un fait indéniable. Mais tu n’es pas que cela.

Regarde, la vie t’ouvre ses bras et te propose d’aligner tes pas dans la direction de la lumière. Celle qui met en évidence la vérité. Celle qui scintille pour te guider jour et nuit. Celle qui te permettra de voir également l’autisme comme un atout.

Bon, tu vois, finalement, pour une maman qui ne savait pas quoi écrire, je ne m’en sors pas si mal. J’ai noirci le papier de mon amour pour toi. De mon acceptation de qui tu es, avec ton petit bagage supplémentaire. De mon espoir de te voir prendre une route qui te convienne et sur laquelle, tu le sais, tu ne seras jamais vraiment seule…

Ne t’inquiète pas, on est là, ma belle. 

Ce texte nous a été transmis par une Fabuleuse maman aidante, Naho.



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